Je pars demain pour Francfort avec non pas ma bite et mon couteau, mais avec mon sourire et un stylo. Mais qu’allez-vous faire là-bas ma bonne dame, me direz-vous ? À vrai dire, je n’en sais encore rien. Peut-être pour quitter le temps d’une foire mon isolement berlinois et profiter de ce que la France est l’invité d’honneur pour réseauter un peu. On m’a prévenue : « tu sais Francfort, c’est pour négocier les droits étrangers, tu vas perdre ton temps ». Don’t act. J’y vais quand même. Consciemment, je me dis que je n’aurais pas souvent la chance de croiser ce qui fait le milieu de l’édition française dans mon environnement particulier, c’est-à-dire l’Allemagne. Alors, zou ! Si je ne me jette pas à l’eau, personne ne le fera pour moi.
La décision prise, bienvenue les joies de l’organisation. Caser les enfants trois jours, obtenir une accréditation professionnelle, éplucher les 200 pages du catalogue d’exposition pour trouver les séminaires et autres conférences intéressantes et surtout trouver un logement. Pour une raison que j’ignore, les prix des pensions et hôtels ont grimpé de plus 300 % un mois avant le début de la grand-messe du livre. Résultat un lit dans une auberge de jeunesse avoisine les 800 € la nuit. De quoi rebuter même le plus motivé. Miracle d’Airbnb qui contrairement à Berlin a le droit d’exister dans cette ville, j’ai sauté sur une annonce qui venait de s’afficher pour une chambre chez l’habitant pour 25 euros. Pas de photos, pas d’adresse, pas de commentaire. Je prends des risques, mais c’est ça ou rien. Et comme je ne connais absolument pas Francfort, à mon avis à ce prix-là je loge dans le quartier des putes, yeah !
Deux semaines avant le départ, j’ai enfin ma carte pro pour la durée de la Foire, un lit quelque part, mes billets de train et une liste de stands et conférences à visiter. C’est alors que le monde moderne frappe à ma fenêtre. Je suis passée où ces dix dernières années ?
- On n’utilise plus les cartes de visite, on swap…
- L’accréditation est directement liée au compte Linkedin ! Malheur à celui qui ne le met pas régulièrement à jour ou, comble de l’angoisse, n’en a pas…
- Pour chaque conférence ou workshop auquel vous assisterez, vous pourrez voir en temps réel le profil des autres participants dans la salle et les « pinger » ! Imaginez que, novice, je me sois mise à sourire aux gens et même à les saluer. Énorme erreur…
- De toute façon, tout cela ne sert à rien, car tout se passe dans le lobby de l’hôtel Steigenberger Frankfurter Hof. Et là, vous vous dites que les nuits vont être longues pour avoir ses entrées là-bas…
- Vous vous faites quand même faire des cartes de visite, parce qu’après tout ça a un charme rétro qui peut plaire…
- Vous avez remis à jour vos Blog, Instagram, twitter, Tumblr et autres Facebook et vous rongez les ongles à l’idée qu’en plus de faire du networking, il va falloir documenter en direct tous les microévènements de la journée sur votre minuscule téléphone. Et dire qu’au commencement, je ne voulais qu’écrire…
- Justement, vous avez fait un ultime remaniement de votre prose et imprimé quelques exemplaires, parce que : on ne sait jamais…
- Vous pensez être prêts et c’est là que 2 jours avant le départ vous réalisez :
- VOUS AVEZ OUBLIÉ DE PRENDRE DES RENDEZ-VOUS !!!!
C’est donc bien avec mon sourire et mon stylo que je débarque demain à Francfort, sans carnet d’adresses, sans pistes, sans piston, mais avec mes histoires et l’envie de connaître et me faire connaître. Alors si vous aussi vous traînez dans les allées, venez me pinger !
Delphine de Stoutz 